Le roi du Maroc Mohammed VI aux côtés de son fils le prince Moulay El Hassan le 13 juillet
Quelques jours après avoir renoncé à se rendre à Alger pour le sommet de la Ligue arabe, le roi du Maroc Mohammed VI invite le président algérien Abdelmadjid Tebboune à venir dialoguer dans le royaume. Une nouvelle occasion pour renouer les liens rompus en août 2021, malgré des désaccords toujours plus importants.
C’est dans un entretien accordé mardi tard dans la soirée à nos confrères de l’AFP que Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères, a annoncé avoir transmis l’invitation du roi Mohammed VI au président algérien Abdelmadjid Tebboune. Cette invitation n’est pas une nouveauté puisque le roi prône officiellement une politique dite « de la main tendue » envers l’Algérie.
Mais elle intervient en plein sommet de la Ligue arabe organisé par Alger et quelques jours seulement après le refus du souverain de se rendre dans la capitale algérienne en raison « des considérations bilatérales et régionales ». Le 24 août 2021, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, annonçait la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc et depuis, les désaccords profonds qui existent entre les deux pays rendent les possibilités de dialogue rares et difficiles à mettre en place.
Le Sommet de la Ligue arabe, une occasion manquée
Le 27 septembre dernier, Rabat accueille le ministre algérien de la Justice, Abderrachid Tebbi. Ce dernier est venu remettre une invitation officielle au roi Mohammed VI pour le 31e sommet de la Ligue arabe prévu à Alger. Si d’apparence l’invitation est formelle – les dirigeants arabes y sont systématiquement conviés depuis sa première édition en 1946 –, le contexte de tensions donne une dimension particulière à la réponse royale.
Au cours du mois d’octobre, les rumeurs se multiplient dans la presse internationale. Certains voyaient le roi venir avec son premier ministre Aziz Akhannouch, d’autres avec son fils, le prince héritier Moulay El Hassan. Des suppositions renforcées par le dernier discours du Trône, le 31 juillet dernier, ou le roi affirmait que « les frontières qui séparent le peuple marocain et le peuple algérien frères ne seront jamais des barrières empêchant leur interaction et leur entente ».
« Le roi souhaite mener une politique maghrébine de dépassement des contentieux, de les mettre sur la table et de se tourner vers l’avenir, explique Mustapha Sehimi, politologue marocain et professeur de droit à l’université Mohammed V de Rabat. Mais la situation juste avant le sommet n’était pas favorable pour envisager une restauration des relations ». En effet, durant le week-end préparatoire, quelques jours avant le début du sommet, des tensions sont apparues au cours des réunions entre délégations marocaine et algérienne.
L’ombre de l’Iran
Au-delà des tensions du week-end, la venue de Mohammed VI n’a « jamais été dans le champ du possible » analyse Jalal Harchaoui, chercheur à la Globale Initiative. Car les « considérations régionales » évoquées par Nasser Bourita dépassent le cadre des bisbilles protocolaires du week-end préparatoire et même de l’épineuse question du Sahara, source de conflit de longue date entre Rabat et Alger.
« Les désaccords sont trop profonds », détaille le chercheur. En décembre 2020, deux ans après avoir rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran, Rabat normalise ses rapports avec Tel-Aviv et engage, à l’instar de rapprochements initiés par d’autres pays arabes comme l’Égypte, l’Arabie saoudite ou le Bahreïn, une coopération économique et militaire avec l’État hébreu. Dans le même temps, explique Jalal Harchaoui, « Alger tient à avoir des relations cordiales avec l’Iran et milite pour le retour de la Syrie (exclue en 2011) dans la Ligue arabe ». Or, du point de vue occidental, la menace numéro un se trouve à Téhéran où le régime poursuit toujours, selon les Nations unies, son programme d’enrichissement d’uranium. « Du côté des monarchies du Golf, de l’Égypte mais aussi du Maroc, il y a une atténuation des clivages historiques que sont les questions israélienne et palestinienne au profit de l’Iran », abonde Mustapha Sehimi.
Avec des positions aussi antagonistes concernant l’Iran, la Syrie, Israël, mais aussi bien sur le territoire du Sahara Occidental, la « venue du roi n’aurait de toute façon pas changé grand-chose à la nature des relations entre le Maroc et l’Algérie », détaille Jalal Harchaoui. « Entre le rapprochement du Maroc avec Israël et la question iranienne, la simple présence de Nasser Bourita sans incident majeur est déjà un motif de satisfaction ». Quant à la venue du président algérien au Maroc, elle n’est pas pour tout de suite, dans son entretien avec l’AFP, Nasser Bourita prévient que « ce genre de rencontre ne peut pas s’improviser ».