Depuis plusieurs mois, la côte syrienne est marquée par une montée des tensions et des violences visant la communauté alaouite. Mardi 25 novembre, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Lattaquié, Jablé et Tartous pour dénoncer les meurtres, pillages, enlèvements et expulsions dont ils se disent victimes depuis mars 2025.
Selon de nombreux témoignages, cette minorité, historiquement liée au pouvoir de Bachar al-Assad, subit ce que plusieurs intellectuels décrivent comme une véritable « punition collective ». L’écrivaine syrienne Samar Yazbek a dénoncé cette situation dans une tribune publiée dans Le Monde.
Des violences en hausse depuis mars 2025
Depuis la chute de Bachar al-Assad, les attaques se sont multipliées sur la côte syrienne. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) fait état d’au moins 1 700 morts, en majorité des civils alaouites. Une commission nationale parle de 1 426 morts, mais un chiffre largement sous-estimé selon l’expert Fabrice Balanche, qui évoque plutôt près de 5 000 victimes.
Les violences se poursuivent. Le récent meurtre d’un couple sunnite à Zaidal a déclenché des représailles contre des quartiers alaouites de Homs, où des habitations et des commerces ont été incendiés. Au moins deux personnes ont été tuées, selon le Conseil supérieur islamique alaouite.
Une insécurité quotidienne
D’après Fabrice Balanche, la population vit dans une peur permanente :
- Des enlèvements et disparitions sont signalés quotidiennement.
- De nombreux Alaouites n’osent plus se déplacer hors de leurs quartiers.
- Plusieurs centaines de milliers auraient fui vers le Liban.
- Des familles entières se retrouvent sans ressources après des licenciements massifs dans la fonction publique.
Les anciens militaires qui avaient bénéficié d’accords de réconciliation sont également menacés : leurs documents d’identité n’ont pas été renouvelés, les exposant à des arrestations arbitraires.
Des accusations envers le régime
Pour l’expert, les autorités syriennes joueraient un rôle direct dans cette situation. Il évoque des témoignages faisant état de colonnes de combattants jihadistes dirigées vers la côte avec la complicité de responsables locaux. Selon lui, l’idée d’une « insurrection alaouite » a été utilisée pour justifier les violences contre la communauté.
Le procès récemment ouvert sur les massacres commis sur la côte aggrave le sentiment d’injustice : seuls des Alaouites restent détenus, alors que les autres accusés ont été libérés.
Un risque d’extension des violences
Les Alaouites ne seraient pas les seuls visés. Les chrétiens, déjà ciblés dans la région de Homs, signalent également des expulsions et des attaques. Pour l’expert, le danger concerne toutes les minorités syriennes, alors que le pays s’enfonce dans une logique d’exclusion identitaire.
Fédéralisme ou risque d’épuration ?
Face à cette situation, l’idée d’un système fédéral progresse, notamment après le retrait des Kurdes de l’accord du 10 mars. Mais Fabrice Balanche estime que le pays se dirige plutôt vers une épuration ethnique que vers une guerre civile ouverte. Les communautés ciblées tenteraient désormais de s’organiser pour assurer leur propre défense.





