Un jeune Marocain de 27 ans a trouvé la mort, jeudi, dans un incendie qui a ravagé la cabane dans laquelle il logeait, près d’un cimetière à Lepe (province de Huelva) en Espagne. Sa mort a mis en évidence les conditions inhumaines et profondément injustes dans lesquelles vivent des milliers de travailleurs étrangers pour fournir aux Espagnols des fruits et légumes produits localement à des prix concurrentiels.
Une mort de plus s’ajoute aux nombreuses qui ont toutes concerné des travailleurs étrangers en Espagne, venus pour labourer les terres espagnoles et cueillir des fruits et des légumes pendant de nombreuses heures sous le soleil, le dos courbé.
La mort de Mohamed Alam, un Marocain de 27 ans est celle qui vient d’endeuiller une famille qui perd un fils à cause de la maltraitance des agriculteurs espagnols et la politique de l’autruche de Madrid qui ferme les yeux sur ces pratiques qui datent d’il y a trop longtemps.
Le corps inanimé et carbonisé du jeune homme a été enregistré tôt dans la matinée, selon des sources de l’Association des nouveaux citoyens pour l’interculturalité (ASNUCI). Les autorités sont conscientes de ce problème, les urgences de la région qui a enregistré ce décès, sont un service rattaché au ministère de la Présidence, de l’Administration publique et de l’Intérieur du Conseil.
L’incendie, dont l’origine n’est pas encore connue pour le moment, a touché une cabane où vivait Mohamed Allam, avec 5 autres travailleurs étrangers près d’un cimetière. Ils étaient en tout 4 Marocains et 2 Sénégalais.
Un Marocain a été brûlé aux mains et aux jambes dans l’incendie, tandis qu’un autre Marocain travaillait déjà à 7h du matin au moment des faits, alors que les autres locataires de la cabane (1 Marocains et 2 Sénégalais) ont pris la fuite à la vue des flammes.
Les les sapeurs-pompiers espagnol ont indiqués qu’aucune autre habitation insalubre n’a été touchée par les flammes.
« Mohamed Alam, 27 ans, originaire du Maroc. Repose en paix. Les bidonvilles et la face cachée de l’agriculture de Huelva reprennent vie après l’incendie d’hier ! » a tweeté l’association ASNUCI.
« Sa mort aurait pu être évitée. Éradiquer les colonies avec des alternatives dignes et sûres est possible, il suffit d’avoir une ferme volonté pour le faire », a-t-elle dénoncé.
« Une mort de plus, dans laquelle nous avons tous échoué : de l’employeur-exploiteur, à l’inspection du travail, au conseil municipal, aux lois sur l’immigration, au consommateur. Assez #Régulationmaintenant #Droitspourtous », a écrit la journaliste espagnole Laura Luiz.
« Hier Mohamed Allam est décédé, il travaillait comme saisonnier à Huelva, brûlé dans l’incendie de la colonie où il vivait. Le travail précaire et le racisme institutionnel tuent. Et les morts tombent toujours du même côté », a déploré l’avocate Patricia Fdez Vicens dans un tweet. « Vie précaire, travail précaire, mourir carbonisé », a-t-elle ajouté.
« Il s’appelait Mohamed Allam, marocain, un gosse qui vivait pauvrement dans une cabane avec 5 autres. Hier à 7h du matin 1 travaillait, 4 ont pu fuir et aujourd’hui Mohamed ne peut plus appeler sa mère pour lui dire bonjour. Si vous êtes indigné par cette image, vous devriez être indigné par ces conditions », a tweeté le collectif anti-raciste RegularizacionYa Cuenta qui œuvre pour les droits des migrants.
« Il y a un manque de volonté politique pour améliorer les conditions des migrants qui luttent pour survivre en travaillant dans les champs », a dénoncé une internaute espagnole en partageant l’image des vestiges de la cabane calcinée.
Et d’estimer que « la spécialité des institutions (c’est d’être) au service des employeurs ». « Que la terre soit légère à Mohamed Allam et tout mon soutien, ma force et mon amour à son peuple », a-t-elle ajouté.
Les travailleurs étrangers, employés par les Espagnols dans les champs, vivent dans des conditions déplorables, sont sous-payés et ne gagnent pas assez pour se loger. En outre, ils subissent le racisme des habitants qui refusent de leur louer des logements à cause de leur origine, préfèrant les voir en dehors des villes. Ils se retrouvent obligés de trouver refuge dans des tentes ou des cabanes en préfabriqué dans des zones inhabitées comme des cimetières.
« Depuis 2 ans, nous DÉNONÇONS qu’il y a des maisons vides, qui ne sont pas louées à cause des préjugés et du racisme », a tweeté le collectif RegularizacionYa Cuenta.
Plusieurs Espagnols ont pris conscience du drame que vivent ces milliers de travailleurs étrangers, qui ne peuvent pas être défendus par leur pays d’origine étant donné qu’ils sont sur le sol espagnol. Mais en même temps, les autorités ibériques ferment les yeux sur leur exploitation.
« Les fruits et légumes que nous mangeons, l’exploitation et les conditions inhumaines qui ne font pas bouger cette société, sélective, hiérarchisée, égoïste et hypocrite », a dénoncé une internaute.
Le gouvernement espagnol est conscient et connait ce phénomène. Au moment où les syndicats des agriculteurs espagnols militent ponctuellement contre la concurrence des produits marocains sur le marché espagnol qui supposément seraient moins chers que les produits espagnols, ils ne mentionnent jamais qu’ils utilisent la labeur des travailleurs étrangers qu’ils sous-payent et qu’ils poussent à vivre dans des conditions inhumaines, sans leur payer d’indemnités, sans contrat de travail et sans payer des charges sociales comme ils auraient fait avec des travailleurs espagnols, et qu’il produisent des fruits et légumes dans la maltraitance humaine.
Une mort de plus s’ajoute au nombreux scandales des travailleurs de la région de Huelva, entre maltraitance et viols subis par les travailleurs et travailleuses étrangers et qui se retrouvent dans un pays étranger, ne parlant pas la langue locale et ne pouvant pas se défendre.
Les travailleurs étrangers de Huelva sont victimes d’un système inégalitaire et raciste qui permet de nourrir les Espagnols avec du « Made in Spain » à prix bas mais au prix de la santé, de la détresse d’êtres humains et la destruction de familles.
« Maintenant, vous pouvez obtenir des fraises très bon marché. Nous achetons des fraises et d’autres produits en sachant comment ils sont produits », a dénoncé un autre citoyen espagnol, en critiquant le manque de conscience et d’empathie et appelant à ce que tous doivent, travailler et vivre dans les mêmes conditions.
Selon le site Poder migrante, l’Espagne compte 49 colonies de bidonvilles, composées de cabanes insalubres où vivent au moins 5.000 personnes de nationalité étrangère, en majorité des Africains. Les travailleurs étrangers européens (Bulgares, Roumains, Ukrainiens, Polonais) eux, ont la possibilité de se loger (normalement à la charge de l’exploitant agricole), et gagnent plus que les Africains.
En octobre 2019, la plus grande colonie d’immigrants de la province de Huelva a été réduite en cendres, toujours à côté du cimetière de Lepe. Un tel événement est déjà arrivé près d’une trentaine de fois.