La ville millénaire au passé glorieux
Nul n’ignore le passé glorieux et doré de la cité ocre éponyme de tout un pays. Jadis capitale impériale de dynasties puissantes qui ont marqué l’histoire médiévale, en particulier, ses empereurs se retourneraient forcément dans leurs tombes s’ils voyaient l’état piètre actuel du nucleus de l’empire marocain qui s’étendait de l’Andalousie au Fleuve Sénégal et de l’Océan Atlantique à la Libye.

D’une ville oasis qui fascinait par l’étendue et la beauté de ses jardins bucoliques, son climat sain et la splendeur légendaire de ses palais, Marrakech s’est métamorphosée dans un laps de temps record en une bourgade tentaculaire anarchique, polluée, sale, vétuste, majoritairement insalubre et défigurée par des chantiers interminables et désordonnés par monts et par vaux, exception faite des quelques quartiers huppés et artères principales qui servent de « vitrine alléchante » mais qui ne dupe certes plus que les visiteurs niais.

En effet, derrière cette façade embellie tant bien que mal et ce relooking fallacieux se dissimule le vrai visage hideux d’une ville qui souffre le martyr, agonise sous le poids de la misère et est en train de perdre son âme d’antan qui la distinguait des autres villes et faisait sa réputation mondiale tandis que ses élus et ses bureaucrates invétérés continuent de brandir le fameux et désuet slogan de « golo l3am zine » , comme dit le vieil adage populaire sardonique.
La frénésie du développement urbain
À l’expansion urbaine effrénée qui n’a, à titre d’exemple, ménagé même pas la Palmeraie qui, pourtant, fait partie du patrimoine naturel et historique du pays et classée « site protégé » par le Dahir Royal de 1929, s’ajoute la gabegie de la chose publique et l’absence d’une vision à même d’assurer la modernisation de Marrakech tout en préservant son cachet authentique qui constitue son atout touristique et levier économique majeur. L’alliance, en quelque sorte, de deux individus, l’un se voulant moderniste à tout prix et l’autre peinant à pérenniser son classicisme, authenticité et identité menacés d’extinction.

Une anode et une cathode que les élus et les pouvoirs publics ont manifestement échoué à mettre dans la même batterie faute de compétences, de respect d’engagements et de volonté politique.
Vétusté et dégénérescence ostentatoires
Corollairement, les Marrakchis s’accordent indéniablement sur le processus accéléré et alarmant de vétusté et de dégénérescence de la ville des Sept Saints et épicentre du tourisme.
L’on se demande, par ailleurs, s’il n’est grand temps que la ville ocre se dote d’une batterie de mesures réformatrices drastiques mais aussi et surtout d’un Conseil Communal, d’un Conseil de la Région et de Pouvoirs Publics dignes de ces noms qui seraient constamment à l’écoute active de sa population et capables de la réanimer et la sortir de sa léthargie tout en remédiant à l’anarchie et à l’ensemble des aspects négatifs à cause desquels elle est aujourd’hui stigmatisée.

Disparités et ambivalences révélatrices
Rien qu’une petite promenade le long des remparts de la ville ocre médiévale et vous serez choqués par le gros contraste entre les diverses parties de ces fortifications. Il s’agit d’un simple exemple qui dénonce les disparités profondes et les écarts qui ne cessent de se creuser entre les deux villes : Marrakech « la petite vitrine séduisante » et Merakch « les bas-fonds » où la précarité règne en maître absolu.
Si les pans de la muraille adjacents aux hôtels de luxe et aux palais royaux bénéficient toujours d’entretiens réguliers et d’éclairage et sont bordées d’allées fleuries et gazonnées, la quasi totalité restante tient lieu de toilettes à ciel ouvert ou de dépotoirs ou des deux à la fois. Il y a deux jours, j’ai été interpellé par la saleté et l’odeur nauséabonde qui se dégageait des bennes d’ordures placées à proximité du fameux Bab Doukkala qui sert aussi de « petit coin » bien qu’il soit le passage obligatoire non seulement pour les locaux mais aussi pour les touristes se rendant aux Jardins Majorelle ou à la gare routière.
Il est à noter que cette porte est l’une des plus stratégiques de la médina et n’est ironiquement pourtant qu’à une centaine de mètres d’une annexe administrative et du bureau de Fatima Ezzahra El Mansouri, Mairesse de Marrakech et Ministre de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville.
Alors que les photos témoignent de cette abomination, lire les expressions des visages des passants contraints de se boucher les nez et de s’éloigner au trot montre le degré de leur écœurement et déception.
Est-ce cela l’image qu’on voudrait véhiculer auprès des visiteurs de la ville ocre? Est-ce de cette façon qu’on pourrait garantir le bien-être et préserver la dignité des citoyens? Quand est-ce que les élus et les hauts fonctionnaires se décider ont-ils enfin à se mettre au diapason des hautes instructions royales? Des questions, parmi tant d’autres, que les Marrakchis soucieux du devenir de leur ville se posent de plus en plus au fur et à mesure que leurs préoccupations grandissent dans l’espoir que pour une fois elles trouveraient des oreilles attentives.