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Hommage à Mohamed Benaïssa : Un adieu à l’âme d’Asilah

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Par Abdellatif Ouahbi
Ministre de la Justice du Royaume du Maroc

Le décès de Mohamed Benaïssa, ancien ministre de la Culture, diplomate et fondateur du célèbre Festival culturel international d’Asilah, a profondément marqué la scène culturelle et politique du Maroc. Homme de lettres, visionnaire, il a fait de la petite ville d’Asilah une référence internationale du dialogue des cultures.

Dans cet hommage personnel et touchant, Abdellatif Ouahbi, Ministre de la Justice et ami proche de Benaïssa, revient avec émotion sur la relation unique qu’il entretenait avec lui, sur leur amour partagé pour Asilah, et sur la perte douloureuse d’un homme qui était bien plus qu’un responsable : l’âme vivante d’une ville devenue orpheline.

Lettre à l’ami disparu

Mon ami Benaïssa,

Te voilà parti. Pour la première fois, tu manques à notre rendez-vous. Tu quittes Asilah, ta ville, sans un mot, sans regard en arrière. Derrière toi, elle reste seule, sans poète pour la charmer, sans voix pour la défendre. Elle affronte désormais le grondement de la mer et le passage indifférent du train – ce même train que tu maudissais pour ne jamais s’arrêter chez elle. Le destin, cruel, t’a emporté, et a laissé Asilah désemparée entre deux violences : celle des flots et celle du progrès qui passe sans s’arrêter.

Tu te plaignais de mes visites trop rares, tu en voulais à ce train qui ignorait ta ville. Aujourd’hui, Asilah et moi, nous partageons un même sentiment : l’étouffement.

Je me souviens de nos longues discussions sur ta terrasse, face au jardin. Nous parlions politique, culture, histoire, avenir… Et souvent, nous fuyions le présent, car il nous fatiguait. Tu étais un chrétien en politique, prêchant la patience, le calme, la réflexion. Tu écoutais beaucoup, puis me prenais à part pour me bombarder de questions. Il m’arrivait de rester sans réponses – tant notre réalité est parfois dure à comprendre.

Tu avais foi en la culture, et moi je t’exprimais mes doutes sur la justice. Mais au fond, les deux sont liées. La culture est justice, et la justice devrait être culturelle. Asilah était ton combat. Et aujourd’hui, elle est orpheline. Le train continue de passer sans s’arrêter, la mer continue de menacer, mais toi, tu n’es plus là pour la protéger.

Toi qui savais tout donner sans rien promettre, qui savais séduire sans posséder, tu étais l’élégance diplomatique faite homme. Tu faisais d’Asilah une ville d’espoir, de beauté, d’échange. Et maintenant ? Qui lui parlera d’avenir ? Qui portera ses rêves ?

Mon ami Benaïssa,
Je crains que le temps n’efface tout. Je crains l’oubli. Et dans ce pays, le véritable fléau, c’est bien le mépris de la mémoire. Tu as fait d’Asilah une capitale de la culture, un phare contre l’ignorance. On venait te voir, toi, bien avant la ville. Aujourd’hui, on dira peut-être : « Allons à Asilah la veuve ». Elle devra enfanter un nouveau Messie qui l’aimera comme tu l’as aimée, et qui saura faire revivre sa flamme.

Je ne peux pas te dire adieu, car en toi, je vois Asilah. Et je ne peux oublier Asilah, car elle me parle sans cesse de toi. Peut-être que la mort est plus douce que ce monde qui oublie si vite. Peut-être qu’en partant, tu as encore une fois sauvé ta ville, comme tu l’as fait par le passé.

Alors laisse le train continuer sa course sans halte, et laisse la mer rugir. Toi, tu es désormais l’éternité d’Asilah.

Abdellatif Ouahbi

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