Le ministre de la Santé américain Robert Kennedy Jr a présenté une feuille de route pour améliorer la santé des enfants. Si l’initiative est saluée, elle est vivement critiquée pour avoir ignoré le rôle central de la malbouffe dans la crise sanitaire.
La santé des jeunes Américains est en crise. Diabète, obésité, troubles mentaux, maladies chroniques… Les chiffres sont alarmants. En réponse, le ministre de la Santé, Robert Kennedy Jr, a dévoilé début septembre un plan d’action de 20 pages pour « rendre leur santé aux enfants et adolescents ».
Ce document était très attendu. Une étude récente publiée dans le Journal of the American Medical Association montre que le taux de mortalité des jeunes Américains (1 à 19 ans) est 80 % plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE. En 2023, 31 % des enfants américains souffraient d’une maladie chronique, contre 25,8 % en 2011.
Un plan plein de bonnes intentions…
Le plan propose plusieurs mesures intéressantes : interdire certains colorants artificiels, améliorer la qualité des laits infantiles, encourager la recherche en nutrition ou encore proposer des repas plus sains dans les hôpitaux. Pour beaucoup, ces idées vont dans le bon sens.
« Le texte a le mérite d’alerter sur la nécessité de changer nos comportements alimentaires », reconnaît Kelly Brownell, professeur émérite à l’université Duke.
… mais qui évite soigneusement le sujet principal
Malgré ces propositions, un point crucial est quasiment absent : les produits ultra-transformés.
« Ce sont eux le vrai fléau dans les assiettes », insiste Barry Popkins, professeur à l’université de Caroline du Nord. Selon lui, ces aliments – riches en sucres, sel, graisses et additifs – représentent près des deux tiers des calories consommées par les enfants américains.
Ces produits sont souvent bon marché, pratiques, et très addictifs. Le petit-déjeuner typique ? Céréales industrielles. Le déjeuner ? Un sandwich avec pain et viande transformée. Le dîner ? Un plat surgelé et un soda. « Facile, pas cher, et ça plaît », résume Popkins. Un mode de vie entretenu par des années de marketing ciblant les enfants dès leur plus jeune âge.
La victoire des lobbys industriels ?
Pour les experts, le silence du rapport sur la malbouffe n’est pas un oubli, mais une preuve de la pression exercée par les lobbys alimentaires et chimiques.
« Les intentions étaient bonnes, mais au moment d’agir, tout s’effondre », déplore Popkins. « On appelle les industries à se responsabiliser, mais aucune obligation ne leur est imposée. »
Même constat pour les produits chimiques utilisés dans l’agriculture. Le plan parle d’« agriculture de précision », mais évite soigneusement la question d’éventuelles interdictions.
Une posture jugée hypocrite
Au sein même du mouvement du ministre, Make America Healthy Again, les critiques fusent. La militante Zen Honeycutt parle d’une « victoire pour les industriels » et d’« un exemple flagrant de la corruption des entreprises chimiques ».
Plus largement, certains dénoncent une hypocrisie politique : « Comment peut-on parler de nutrition saine, tout en coupant les programmes d’aide alimentaire aux familles précaires ? », interroge Popkins, pointant les coupes budgétaires opérées depuis le début du second mandat de Donald Trump.
Des solutions existent
Les experts rappellent qu’il existe déjà des outils efficaces : taxation des sodas, étiquetage nutritionnel clair, limitation du marketing pour enfants… Des mesures simples, déjà testées dans d’autres pays, qui ont montré leur efficacité.
« Si on veut vraiment améliorer la santé des jeunes, il faudra un jour affronter les lobbys de l’agroalimentaire. Et c’est là que tout se joue », conclut Popkins.