Le gazoduc Nigeria-Maroc, lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari, est un projet africain multilatéral qui bénéficiera à tous les pays qu’il traversera, a indiqué l’expert marocain en énergie et développement, Younes Maamar.
“L’importance de ce projet consiste en le développement d’une infrastructure gazière régionale pour l’intérêt de tous les pays que ce gazoduc traversera parce qu’il permettrait de faire trois choses. Premièrement, consolider les petits marchés de tous ces pays qui, à eux seuls, n’ont pas la masse critique pour développer une infrastructure gazière pour leur propre marché”, a expliqué M. Maamar dans un entretien accordé à la MAP.
Il s’agit de mutualiser la somme des petits marchés pour en faire une masse critique qui pourra justifier la mobilisation des financements, a-t-il détaillé, soulignant que cela signifie d’amener une molécule de gaz naturelle dans le mix énergétique de chacun de ces pays, une énergie à moindre coût pour pouvoir alimenter le secteur électrique et le secteur industriel, et, par ricochet, avoir un impact immédiat sur le développement de chacun de ces pays.
Le second élément qui est plus important est qu’”en développant une infrastructure de cette nature, on donne l’opportunité extraordinaire à chacun de ces pays de développer leur potentiel géologique propre”, a-t-il mis en avant, précisant qu’une infrastructure de transport gazier qui passerait par ces pays, rendrait ces champs gaziers “marginaux” des champs “économiques” et contribuerait à leur développement et aussi à augmenter les efforts d’exploration des bassins géologiques de chacun des pays transitaires.
Le troisième aspect est les retombées financières et fiscales des pays transitaires qui recevront une redevance de passage à l’instar de tous les gazoducs et oléoducs transfrontaliers, a-t-il éclairci.
“Le projet doit être vu dans sa conception et sa structuration comme un projet multi entrants et multi sortants pour que chacun des pays transités puisse en bénéficier directement pour le développement de leur marché et le développement de leurs ressources géologiques”, a-t-il mis en relief, relevant qu’”en réalité nous ne rendons pas justice aux deux concepteurs de ce projet en l’appelant gazoduc Nigeria-Maroc. Il s’agit d’un projet panafricain par excellence”.
“Il faut, par conséquent, que le projet soit porté par toute la communauté ouest-africaine, les pays limitrophes et les bailleurs de fonds internationaux pour son mérite”, a lancé l’expert en énergie.
“La portée de ce projet consiste en sa capacité à pourvoir contribuer à résoudre la problématique de diversification de ressources de gaz des partenaires européens, sans oublier, tout de même, que ce n’est pas l’idée originelle du projet. Il s’agit en effet d’un projet africain avant tout”, a-t-il affirmé.
Le Maroc a atteint une masse critique et un seuil de maturité économique où la diversification des ressources d’approvisionnement en énergie contribuera à sa sécurité d’alimentation, a-t-il fait remarquer de prime abord.
“Ce projet répondrait à la diversification des ressources d’approvisionnement en gaz pour notre pays et pour notre économie et puis contribuera à un point qui a été cité récemment dans un discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’ouverture du Parlement, à savoir la sécurité énergétique”, a-t-il fait observer.
S’attardant sur l’approvisionnement en ressources énergétiques en Europe, le spécialiste a indiqué que le Vieux continent a depuis toujours poser le problème de sa sécurité énergétique.
L’Espagne ou la péninsule ibérique, à titre d’exemple, qui est une île gazière est, elle même, très peu connectée au reste de l’Europe, et à la lumière de ce qui vient de se passer récemment dans le continent, la problématique de la dépendance énergétique et plus précisément se défaire de cette dépendance énergétique s’est posée avec plus d’acuité, a-t-il analysé.
L’Espagne s’est rendue compte, depuis quelques années, de l’importance de se défaire de la dépendance énergétique, une dépendance gazière mono-source, d’une seule source de gaz, d’un seul fournisseur, ce qui fait que la crédibilité d’un partenaire à long terme se pose également, a-t-il ajouté.
“Avec la réalisation de ce gazoduc, on pourra apporter à notre pays et au continent africain une solution crédible à la problématique de diversification des ressources d’approvisionnement en gaz et aussi à la péninsule ibérique qui est une île gazière et demain à toute l’Europe”, a-t-il confié.
Quant à la faisabilité du projet, M. Maamar a confirmé que le projet est techniquement parfaitement faisable, soutenant qu’il n’y a aucun obstacle ou contrainte technique à sa réalisation.
Côté financement, il a noté que la structuration de cette transaction fait partie des éléments de challenge, insistant que “ce projet ne pourra voir le jour que s’il est structuré de manière à attirer les bailleurs de fonds internationaux vu la taille du financement nécessaire”.
Pour ce faire, la complexité de ce projet transfrontalier impose l’homogénéisation des cadres légaux et contractuels pour pouvoir assurer sa bancabilité, a enchaîné notre interlocuteur.
Dans ce sens, il a attiré l’attention sur l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), l’organisme d’harmonisation des cadres légaux des pays de l’Afrique de l’Ouest et la base sur laquelle il faut s’appuyer.
Il est important qu’il y ait une adhésion et un engagement pour convaincre tous les pays de l’importance du projet et “quoi de mieux que de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui regroupe beaucoup de ces pays pour pouvoir en faire un partenaire stratégique, quoi de mieux que de se tourner vers l’Africa Finance Corporation (AFC), une institution panafricaine qui s’est imposée sur le continent africain et qui peut être l’un des partenaires du projet”, a-t-il clarifié.
“Il faut structurer les transactions, c’est-à-dire le cadre légal et contractuel du projet de nature à assurer sa bancabilité. Une fois fait, on serait en mesure d’attirer tous les financements du monde”, a conclu M. Maamar.
MAP